Article

L’entreprise à visée régénérative, le nouveau chapitre du MOOC “Comprendre la crise écologique pour réinventer l’entreprise”. Décryptage par Daniela Burla.

Rédigé par La rédaction du C3D, le 7 août 2024

Le MOOC “Comprendre la crise écologique pour réinventer l’entreprise” s’enrichit désormais d’un cinquième module intitulé “L’entreprise à visée régénérative”. Revenons sur la création de ce nouveau chapitre avec Daniela Burla, membre au CA du C3D dont vous pouvez retrouver le portrait ici.

 

Pouvez-vous nous raconter en quelques mots votre parcours professionnel et votre rôle au sein de setec ?

 

Bonjour, je m’appelle Daniela Burla. Forte de 20 ans d’expérience dans le management de la qualité et de la performance environnementale sur des projets d’infrastructure ou de transformation des territoires au sein du groupe setec, je suis actuellement directrice du développement durable et de la RSE. A ce poste, je suis chargée de l’animation de la démarche “Ingénieurs & Citoyens”. Setec est par ailleurs un groupe d’ingénierie pluridisciplinaire français, composé de 4 000 personnes et d’une quarantaine de sociétés spécialisées dans divers domaines, tels que le génie civil.

 

Pouvez-vous nous expliquer l’objectif principal du MOOC “Comprendre la crise écologique pour réinventer l’entreprise” ?

 

Avec ce MOOC intitulé “Comprendre la crise écologique pour réinventer l’entreprise”, nous souhaitons nous adresser à toute personne : quel que soit son niveau de maturité sur les sujets RSE, sa formation, son parcours professionnel ou son secteur d’activité. À travers cinq modules, ce MOOC invite les apprenants à un véritable voyage initiatique pour devenir des acteurs de la transition écologique. Ce MOOC explique ainsi l’importance de repenser les modèles d’affaires, tout en fournissant des outils pour y parvenir. Développé en collaboration avec le collectif Pour un Réveil Écologique et d’autres partenaires, ce MOOC a déjà attiré plus de 225 000 participants depuis son lancement en mai 2021.

 

En quelques mots, que signifie pour vous la notion de visée régénérative ?

 

La visée régénérative nous pousse à aller au-delà de la simple réduction des impacts négatifs des activités d’une entreprise sur les écosystèmes, ce qui correspond à l’actuelle approche de la RSE (responsabilité sociétale des entreprises). Cette notion de la régénération implique une remise en question  complète du rôle de l’entreprise dans la société et de sa relation avec le vivant, cherchant ainsi à combiner création de valeur économique et respect des limites planétaires.  Cette approche nécessite donc la coopération de toutes les parties prenantes de la chaîne de valeur de l’entreprise ainsi qu’une réflexion approfondie sur le modèle d’affaires, pour produire des biens et services qui ont du sens.

 

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous intéresser à ce sujet ?

 

Mon histoire personnelle et professionnelle m’a naturellement amenée à porter le sujet du régénératif au sein du C3D, présidé par Fabrice Bonnifet. Je suis convaincue que cette approche est essentielle pour créer un espace sûr et juste pour l’humanité, comme le souligne la théorie du Donut. C’est pourquoi je représente avec enthousiasme le C3D dans le Regen’Ecosystem, un collectif d’acteurs engagés qui travaillent ensemble pour accélérer l’adoption de l’approche régénérative et aider les organisations à se réinventer. Parmi la vingtaine d’acteurs impliqués, je peux notamment citer LUMIÅ et la CEC.

Ensemble, nous développons des contenus partagés, tels que des études de cas de transformation d’entreprises vers le régénératif, des projets coopératifs de territoires et d’organisations et une bibliothèque de publications et de recherches sur le sujet du régénératif. Le Regen’Ecosystem est d’ailleurs un partenaire clé de ce MOOC, qui nous a apporté une expertise précieuse et nous a permis de nous challenger pour pousser plus loin nos réflexions sur la construction de celui-ci.

 

Du côté du C3D, Fabrice Bonnifet s’est intéressé au sujet de l’entreprise à visée régénérative à travers le concept d’entreprise contributive, qu’il aborde dans son livre, coécrit avec Céline Puff Ardichvili. Concept qui représente une étape essentielle vers le régénératif. D’où son souhait de traiter ce sujet au sein du C3D, dont la raison d’être est de promouvoir des modèles d’affaires qui respectent les limites planétaires et socialement responsables. L’approche régénérative s’inscrit donc naturellement dans la continuité de la mission du C3D. Nous allons donc poursuivre l’exploration de ce sujet en interne, avec notamment l’animation d’un groupe de travail sur le régénératif, que je co-animerai avec Maximilien Rouer. Ce dernier est expert du régénératif, sujet qu’il porte au sein du groupe Forvis Mazars, où il a développé l’activité sustainability advisory.

 

Comment abordez-vous le concept de régénération au sein de setec ?

 

Chez setec, le concept de régénération, avec l’ensemble de ses principes, n’est pas directement applicable tel quel. Toutefois, grâce aux défis de la démarche “Ingénieurs et Citoyens”, qui mobilisent plus de 10% de nos collaborateurs, nous avons amorcé une transformation profonde de notre approche des projets. Cette transformation se manifeste d’abord par une identification de nos dépendances et des impacts de nos métiers sur le vivant. Par exemple, dans toutes les phases d’un projet, nous recherchons la robustesse et la résilience. Ensuite, nous avons élaboré une stratégie spécifique pour la biodiversité. Nous sommes également intéressés aux solutions fondées sur la nature, ainsi qu’à l’éco-conception. Très concrètement, nous avons développé des offres spécifiques en génie écologique, en régénération des friches et en création de terres fertiles.

 

Parallèlement, nous avons instauré un processus de sélection des projets basé sur une analyse “go-no go”. Ce processus nous conduit donc à nous interroger sur l’utilité des projets pour les communautés locales et sur notre capacité à réduire les externalités négatives tout en augmentant leur impact positif. Ces décisions sont prises de manière collégiale, un choix qui, bien que parfois difficile, permet d’engager des débats constructifs et de développer une conscience collective au sein de l’entreprise.

Il est important de noter qu’aucune entreprise n’est encore entièrement régénérative, mais certaines sont en voie de le devenir. C’est pour cette raison que nous parlons de “visée régénérative” dans ce nouveau chapitre. Ainsi au sein de setec, nous avons mené une réflexion approfondie sur la manière dont les décisions sont pensées et prises, et nous nous efforçons d’intégrer les principes du régénératif autant que possible.

 

Pour vous, pourquoi le régénératif est un sujet qui va prendre de l’ampleur ?

 

L’approche régénérative n’est pas une option, mais une nécessité ! Nous vivons sur une planète aux ressources limitées, sans autre alternative. Il est donc vital d’aligner les activités humaines sur les capacités régénératives de la Terre, en transformant les modèles d’affaires traditionnels pour les rendre plus durables, résilients et équitables, tant pour les êtres humains que pour la planète. Les entreprises doivent ainsi sincèrement se poser la question sur leur rôle dans la création de valeur. Le renoncement aux services et produits non essentiels, tels que la production et l’usage excessifs de plastique, doit devenir la norme.

 

Pour vous, quelles sont les entreprises qui ont réussi à adopter une visée régénérative ?

 

Je voudrais vous partager trois exemples : Mustela, Tikamoon et Patagonia.

Fondée en 1973, Patagonia est souvent citée comme un modèle pour son intégration de pratiques respectueuses de l’environnement et son engagement à améliorer les conditions sociales des travailleurs tout au long de sa chaîne de valeur.

Dans le MOOC, nous avons notamment mentionné Mustela, la marque de soins pour bébés des Laboratoires Expanscience, qui cessera la commercialisation de ses lingettes nettoyantes jetables d’ici 2027.

Enfin Tikamoon est une enseigne de mobilier reconnue pour son engagement de durabilité de leurs produits. Nous avons ainsi interviewé son CEO, Arnaud Vanpoperinghe, pour ce nouveau module.

 

Que diriez-vous à ceux qui sont sceptiques envers le concept d’entreprise à visée régénérative ?

 

Certaines personnes peuvent être réticentes à ce concept, car ce dernier est relativement nouveau et il n’existe pas encore de normes ou de référentiels clairement définis pour évaluer précisément la valeur ajoutée par cette approche.

Ce manque de données concrètes et de méthodologies chiffrables complique la quantification et qualification des efforts et des résultats liés à la régénération des activités d’une entreprise.

Néanmoins, des initiatives sont en cours pour adresser ce manque de clarté. Par exemple, l’association AFNOR et le réseau Regen’Ecosystem sont en train de développer des méthodes d’évaluation. Ces démarches sont essentielles non seulement pour concrétiser ce concept de régénération, mais aussi pour éviter le risque de “regen-washing”, pratique marketing utilisant le terme “régénératif” de manière trompeuse pour séduire le public.

Pour ceux qui demeurent sceptiques, il est utile de commencer par se familiariser aux enjeux liés au climat, à la biodiversité, à l’eau, qui sont d’ailleurs traités par les premiers chapitres du MOOC.

 

Dans un deuxième temps, je leur conseille de suivre le module 5 sur l’entreprise à visée régénérative. Ce module explique le concept de la régénération en utilisant des théories comme celles du donut ou des limites planétaires. Ce chapitre décrit également les principes clés de l’économie régénérative, explore ses implications écologiques et sociales, et propose des actions concrètes pour démarrer une démarche régénérative et transformer les modèles d’affaires.

Par la suite, je leur conseille de suivre l’évolution des méthodes d’évaluation, qui offriront des perspectives plus claires sur l’application du concept de régénération à l’entreprise.

 

Comment vous êtes-vous impliqué dans ce chapitre “l’entreprise à visée régénérative”?

 

J’ai été désignée comme l’interlocutrice clé pour la réalisation de ce MOOC au sein du C3D, après des discussions internes. J’ai donc commencé par lire différentes études, telles que celles de LUMIÅ et le livre blanc “Entreprises et systèmes vivants : appréhender les approches régénératives” de Valérie Brunel et Sarah Dubreil, pour mieux comprendre les enjeux relatifs à la régénération.

Par la suite, j’ai collaboré avec Youmatter pour co-construire le plan d’action et le rétroplanning de module. Dans ce cadre, j’ai également joué un rôle crucial en tant qu’interlocutrice pour le collectif Pour un Réveil Écologique, aux côtés de deux autres membres du C3D, Odile Maarek et Denis Guibard. Ensemble, nous avons formé un comité de gouvernance au sein du C3D chargé de superviser la création des contenus de ce nouveau chapitre. Cette coordination a englobé la rédaction des scripts pour les vidéos en motion design, ainsi que la sélection et le contact avec des experts pour les vidéos d’interview.

De plus, mon rôle a impliqué la liaison avec nos partenaires du Regen’Ecosystem. Leur expertise a été déterminante pour garantir la légitimité et la pertinence de notre contenu.

Nous avons eu la chance d’avoir des intervenants très inspirants, que je vous laisse découvrir…

 

Un dernier mot pour donner envie aux lecteurs de réaliser ce cinquième module ?

 

Suivez notre cinquième module et faites l’expérience de la régénération, en étant guidés dans la voie d’une démarche positive pour l’entreprise et la planète.

 

Un grand merci à tous les contributeurs de ce MOOC !

 

Le comité de pilotage du projet MOOC au sein du C3D : Fabrice Bonnifet (Bouygues), Jean-Baptiste Bourdin (setec), Denis Guibard (Terra Academia), Odile Maarek (Bolloré Logistics)

 

Nos partenaires experts : Eric Duverger (CEC), Anna Le Faouder (CEC), Romain Cristofini (LUMIÅ), Isabelle Delannoy (L’Entreprise Symbiotique), Véronique Letellier (AXA Climate) Céline Robert (AXA Climate) et tous contributeurs au sein du Regen’Ecosystem

 

Nos speakers dans les vidéos interviews : Erinch Sahan (Doughnut Economics Action Lab), Thomas Breuzard (norsys), Valérie Brunel (Kairos Accompagnement & Recherches), Renaud Cornu (Epalia), Guillaume Desnoes, (Alenvi), Matthieu Brunet (Arcadie), Christophe Sempels (LUMIÅ), Arnaud Vanpoperinghe, (Tikamoon), Isabelle Delannoy (L’Entreprise Symbiotique)

 

L’équipe de Pour un réveil écologique, partenaire de ce MOOC depuis sa création : Olivier Truffinet, Dimitri Sircat, Pauline Chicoisne, Lorée Urrutibehety, Justine Duval

 

L’équipe de réalisation : Youmatter et le studio graphique de KissKissBankBank