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La compensation carbone est-elle efficace dans la lutte contre le réchauffement climatique ?
Ces dernières années, on observe de plus en plus d’entreprises qui choisissent de se doter de programmes de réduction de leur impact environnemental grâce au principe de compensation carbone. On parle de compensation carbone lorsqu’une organisation tente d’améliorer son impact environnemental en contrebalançant le carbone émis avec la mise en place d’actions visant à protéger l’environnement d’une façon ou d’une autre. La compensation par le financement de la reforestation en est un exemple commun.
Alors que l’on envisage cette nouvelle année comme étant celle de la biodiversité, il commence à être évoqué que cette compensation carbone par le biais de programmes de plantation d’arbres pourrait au contraire nuire à la nature environnante et à ses interactions et n’inciterait pas réellement au changement.
À l’heure où entreprises et consommateurs s’avèrent de plus en plus sensibilisés aux enjeux de biodiversité et de pollution, à l’instar de la création d’un écoscore révélant l’empreinte carbone des produits que l’on achète au supermarché, peut-on réellement considérer la compensation carbone comme étant efficace ?
Les forêts constituent évidemment des puits de carbone et possèdent un pouvoir que l’on ne doit pas négliger. Tout au long de leur vie, les arbres puisent du carbone présent dans l’atmosphère et stockent dans les feuilles, le tronc, les racines, etc. pour rejeter de l’oxygène. On estime notamment à 8 milliards de tonnes la quantité de CO2 conservée par la matière vivante de la forêt.
Les limites de la compensation carbone par la plantation de forêts
Il est relativement aisé, aujourd’hui, de connaître son impact négatif sur l’environnement en mesurant notamment la quantité d’émissions de CO2 que l’on émet. Ce qui est plus difficile, en revanche, est de mesurer la possibilité de stockage de CO2 par un arbre puisque ce dernier va dépendre d’un ensemble de facteurs : climat, qualité du sol, interactions avec son environnement, âge, etc. Si des estimations moyennes d’absorption et de stockage existent bel et bien, celles-ci vont concerner un cas précis, c’est-à-dire une essence d’arbre en particulier dans un environnement spécifique.
De plus, l’annulation d’une émission de carbone par ce type de compensation suppose que les arbres en question ne brûlent pas ni ne se décomposent, et qu’il n’y ait pas de modification dans la composition des sols, menant à la libération du carbone séquestré.
Les limites de la compensation carbone par la plantation de forêts résident ainsi principalement dans la mise en œuvre de la démarche.
Comment rendre efficace la compensation carbone par la plantation de nouvelles forêts ?
Avant de penser à compenser par la plantation d’arbres, il est indispensable de penser à éviter, puis à réduire les émissions de carbone. Si les actions ne se font qu’en surface, la lutte contre le réchauffement climatique s’avère anecdotique et l’augmentation des températures conduit à rendre inefficace la compensation par les forêts. En effet, avec l’augmentation des températures, on estime à environ 50 % la part des puits de carbone qui pourraient rapidement relâcher plus de CO2 qu’ils n’en capturent et retiennent.
Lorsque vient la question de compenser les émissions de carbone incompressibles, la plantation de nouvelles forêts peut effectivement constituer un choix efficace dans la mesure où ce dernier est réfléchi et bien pensé. Se faire accompagner permet par exemple d’assurer le respect de la biodiversité, le renouvellement et la protection des forêts au cours de la démarche. Ecotree évoque notamment dans son manifeste carbone l’importance de “restaurer les écosystèmes, en favorisant la venue de la faune et de la flore sauvages, et en instaurant une gestion forestière qui ne vient pas heurter les cycles et le rythme naturel de la forêt”. La gestion (durable) d’une forêt, après sa plantation, constitue ainsi un passage obligatoire pour s’assurer du bon fonctionnement de la démarche.
Enfin, autre point indispensable évoqué notamment par Ecotree, il est nécessaire de penser globalement et non de tenter de faire valoir une action durable individuellement. Plus que de la compensation carbone, il faut penser au-delà et souhaiter une neutralité mondiale, car “la neutralité carbone ne peut se concevoir qu’à l’échelle planétaire et comme un équilibre entre les émissions de CO2 anthropiques et les absorptions de CO2 anthropiques”, toujours selon le manifeste carbone.
Alors que le financement de projets forestiers tend aujourd’hui à ressembler à une caution verte permettant à certaines entreprises de se dédouaner des obligations d’action dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, il existe des moyens de rendre cette démarche plus efficace et cohérente. Le choix du positionnement géographique, du type d’essence, de la façon de planter, etc. sont des enjeux impliquant l’intervention d’un expert. Dans tous les cas, nombreux sont les acteurs qui prônent un changement d’échelle et de dénomination, “ne parlons plus de compensation carbone mais plutôt de contribution climatique” selon César Dugast, consultant sénior chez Carbone 4.