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Financement climat : des investissements en hausse à nuancer
En 2019, les ménages, entreprises et administrations auraient réalisé 48 milliards d’euros de dépenses favorables au climat. Si ces chiffres sont en hausse par rapport à l’année précédente, ils demeurent insuffisants dans la lutte contre le réchauffement climatique et augmentent moins rapidement à cause de la crise de la Covid19.
Dans son Panorama des financements climat paru mi-mars, l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) recense les dépenses d’investissement en faveur du climat en France et contribue à nourrir la réflexion sur “la pertinence des politiques publiques et le rôle des financements publics et privés en faveur du climat”. Les chiffres révèlent une hausse des financements favorables au climat chaque année depuis 2011. Or ils s’accompagnent également de l’augmentation des financements nocifs au climat, des financements qui s’avèrent d’ailleurs supérieurs aux dépenses bas-carbone. Zoom sur les spécificités de la hausse des investissements climat.
Le paysage des investissements climat en France
Depuis un peu moins d’une dizaine d’années, les français investissent de plus en plus pour le climat. Si l’on regarde ces chiffres de plus près, certains secteurs semblent sortir du lot. Les 48 milliards d’euros d’investissements climat en 2019 sont en grande partie réalisés dans les secteurs du bâtiment, de la rénovation, des transports, des véhicules à faible émission, et de l’efficacité énergétique.
Avec 40 % des investissements, l’énergie constitue un secteur phare de la lutte contre le réchauffement climatique. En effet, les investissements dans les installations de production d’électricité renouvelables restent stables depuis 2017 selon le Panorama des financements climat. Côté énergies renouvelables, les chiffres ont rapidement augmenté ces trois dernières années, démontrant ainsi un intérêt grandissant pour la chaleur et les gaz renouvelables.
Cette hausse des investissements climats doit notamment son évolution à la contribution de l’Etat, des collectivités, des bailleurs sociaux ainsi que des gestionnaires d’infrastructures dans la mesure où leurs investissements ont augmenté de 57 % depuis près de 10 ans. Ces investissements ont en effet par extension construit un cadre permettant aux investisseurs privés d’augmenter à leur tour le financement de projets favorables au climat.
Les investissements climat demeurent insuffisants
Malgré une croissance constante ces dernières années, les investissements climat ne sont pas suffisants si l’on prend en compte l’urgence climatique et le contexte économique. D’autant que les investissements des français dans les secteurs reposant sur les énergies fossiles sont bien supérieurs aux investissements climat. En 2019, 71 milliards d’euros auraient ainsi été investis dans les voitures, le transport aérien, l’énergie… soit 70 % de plus qu’en 2014. Les voitures à moteur thermique représentent par exemple à elles seules près de 64 % des investissements défavorables au climat. Ces investissements reposent en grande partie sur des équipements de consommation.
Ces investissements contribuent à la production d’émissions de gaz à effet de serre alors même que des alternatives existent aujourd’hui. Pourtant, la progression de tels financements retarde la pleine prise de conscience de l’urgence de transformer nos modes de production et de consommation. D’autant que pour la construction de bâtiments défavorables au climat, il s’agit d’infrastructures dont l’impact environnemental durera plusieurs décennies.
Côté rénovation énergétique, si les chiffres des investissements sont encourageants, ils présentent tout de même des failles mises en lumière dans le panorama puisque peu de ces financements permettent réellement d’aboutir à des réductions de consommation d’énergie. En effet, ce type d’actions s’avérant peu planifié et coordonné, l’utilisation de ces investissements n’est pas suffisamment performante pour pallier la hausse des financements défavorables au climat.
Si la hausse des financements en faveur des énergies fossiles s’explique par des habitudes de consommation, les chiffres trop faibles d’investissement en faveur du climat peuvent quant à eux s’expliquer par “un manque de rentabilité des projets, des freins réglementaires ainsi que l’absence d’offre de financement adéquate”.
Les investissements climat doivent doublés d’ici 2028
Via sa stratégie carbone, la France s’est engagée à réduire ses émissions de 40 % en 2030 (par rapport à 1990) et à la neutralité carbone en 2050. Pour respecter ces engagements, le pays va devoir investir d’autant plus dans des solutions favorables au climat. Le Panorama des financements climats estime qu’il faudra entre 13 et 17 milliards d’euros d’investissements en plus chaque année d’ici 2023 par rapport aux chiffres énoncés cette année, soit au moins 61 milliards entre aujourd’hui et 2023, puis monter à 96 milliards entre 2024 et 2028. Les secteurs à privilégier au départ sont le bâtiment, les transports et les énergies renouvelables. Par la suite, pour atteindre la neutralité carbone, il sera nécessaire de privilégier d’autres secteurs clés comme l’agriculture, l’industrie et la recherche.
Dans l’optique d’atteindre ces objectifs, en plus des investissements, il pourra être pertinent, de développer d’autres instruments de politique publique comme par exemple des outils fiscaux, un accompagnement technique des ménages et des collectivités ou encore de nouvelles réglementations. Ce tout permettra de développer de meilleures capacités d’investissement privé.
Enfin, il est important de sensibiliser les ménages aux avantages de tels investissements dans la mesure où ceux-ci permettent notamment de faire des économies sur les factures d’énergie. De façon plus globale, c’est toute la société qui en profite puisque les investissements dans les équipements bas-carbone “génèrent peu de dommages environnementaux et génèrent des bénéfices additionnels” notamment en termes de santé et d’emploi.
Dans son Panorama des financements climat, l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) présente des chiffres d’investissements climat sur la bonne voie mais nettement inférieurs aux données nécessaires pour atteindre les objectifs de la stratégie carbone de la France. Pour l’instant, et il est encore trop tôt pour savoir si le plan de relance, adopté en septembre dernier, et son volet climat, a permis d’accroître les investissements climat et de rattraper ce retard, mais l’examen actuel du projet de loi “Climat et résilience” pourrait également constituer un moyen de favoriser les investissements climat. Les chiffres des investissements climat 2020 seront sans doute décisifs.