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Pilier vert du plan de relance : entre espoirs et désillusions
Le plan de relance annoncé le 3 septembre dernier repose sur la nécessité de préparer l’avenir pour la France, du moins à horizon 2030, dans un contexte de crise sanitaire et économique. D’après Jean Castex, Premier ministre, « Ce plan ne se contente pas de panser les plaies de la crise. Il prépare l’avenir. ». L’objectif : retrouver un niveau d’activité similaire à celui avant la crise d’ici 2022 grâce à la création d’emplois notamment. Pour cela, 100 milliards d’euros sont alloués dans plusieurs secteurs : compétitivité économique, transition écologique, cohésion sociale et territoriale. Il s’agit des trois priorités retenues par le Premier ministre. ⅓ du plan est donc consacré à la relance verte de l’économie, mais qu’en est-il dans les faits ? Zoom sur le volet vert de cette relance.
Plan de relance : le verdissement de l’économie en détails
Le gouvernement cible ses efforts sur les secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre à savoir le bâtiment, les transports, l’industrie et la production énergétique, ainsi que l’agriculture. Au total, ce sont 30 milliards d’euros dédiés au financement de la transition écologique dans le cadre du plan de relance du gouvernement. Une somme conséquente représentant un effort sans précédent selon Barbara Pompili, Ministre de la transition écologique. Ces 30 milliards d’euros seront répartis entre plusieurs secteurs visant à investir pour relancer l’économie tout en la décarbonant.
Les transports bénéficieront ainsi de 11 milliards d’euros dont un peu moins de la moitié ira directement dans le transport ferroviaire afin de favoriser ce type de transport. Le reste contribuera à compenser les pertes de la SNCF durant ces derniers mois et à développer l’offre de transports en commun ainsi que l’usage du vélo dans les villes. 2 milliards d’euros supplémentaires seront d’ailleurs alloués aux consommateurs souhaitant acheter une voiture électrique. Enfin, 2 milliards d’euros permettront de financer la R&D d’un avion plus propre.
L’industrie de l’hydrogène vert constitue de la même façon un levier de relance important pour le gouvernement puisque 7 milliards d’euros y seront investis d’ici 2030. Il s’agit d’un moyen d’atteindre la neutralité carbone dans les transports notamment.
Près de 7 milliards d’euros seront alloués à la rénovation énergétique des bâtiments, dont les bâtiments publics tels que les écoles et les universités, ainsi qu’aux ménages qui pourront en profiter sans plafond de revenus via la prime Maprimerénov’. Les bailleurs et copropriétés sont également visés puisque les travaux y sont généralement plus difficiles à mettre en place.
L’agriculture, secteur phare de la relance verte également, recevra une aide de 1,2 milliards afin d’accompagner son évolution vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement. Celle-ci s’ajoute aux 9 milliards d’euros dont l’agriculture dispose déjà chaque année. L’occasion d’accélérer la transition agro-écologique vers une alimentation plus saine et durable grâce à des aides permettant de diminuer l’utilisation de pesticides, de protéger la biodiversité et de mieux prendre en compte le bien-être animal.
Enfin, 2 milliards d’euros seront consacrés au recyclage et à l’économie circulaire de façon globale, permettant notamment de développer les filières de tri et de valorisation des déchets recyclables.
A terme, le gouvernement estime générer ou préserver près de 200 000 emplois directs grâce au volet vert de la relance.
Un plan de relance comprenant certaines zones d’ombres
De façon générale, le plan de relance n’a pas été particulièrement bien accueilli par les acteurs de la transition écologique. Beaucoup attendaient un plan de relance verte, tandis qu’il s’agit d’un plan de relance comportant un pilier vert. Il faudrait plutôt que chaque axe de ce plan apporte une contribution à la transition. Une transformation globale est nécessaire, et non juste localisée. Les ONG reprochent notamment à la France d’investir 30 milliards pour la transition tout en attribuant des aides aux entreprises sans contreparties écologiques. Celles-ci vont notamment bénéficier de baisses d’impôts de production à hauteur de 10 milliards d’euros. Cette aide devrait, d’après les ONG, s’accompagner de conditionnalités environnementales afin d’empêcher les entreprises polluantes de polluer encore davantage. Sont également montrés du doigt les investissements dans des technologies ou des secteurs non compatibles avec la transition écologique. Ce serait le cas du nucléaire, de l’hydrogène non renouvelable, de l’agriculture ou encore des nouvelles infrastructures routières.
Autre source d’inquiétude, la relocalisation d’entreprises stratégiques pourrait donner lieu à d’éventuelles dérogations au droit de l’environnement. Le projet de loi de simplification de l’action publique pourrait notamment autoriser les projets de travaux de construction avant l’autorisation environnementale officielle.
Sur le pilier vert en lui-même, les critiques portent sur la pérennité des aides. Il s’agit certes d’un bon début, les sommes sont conséquentes et correspondent aux besoins des différents secteurs, cependant il faudra prévoir un investissement annuel supplémentaire sur au moins les 10 prochaines années pour assurer l’efficacité du plan. En effet, aligner les milliards ne pourra pas suffir, il est nécessaire de restructurer l’ensemble des filières. Néanmoins, nombreux sont les acteurs de la transition écologique qui attendent les détails du plan avant de réellement se prononcer. L’effort devra être inscrit dans la durée et s’accompagner de moyens humains.
Enfin, l’évaluation du plan représente une autre source de questionnement pour l’ensemble des acteurs de la transition écologique. Le gouvernement n’a pour l’instant présenté que quelques critères d’évaluation. Il est pourtant important d’annoncer rapidement la construction de ces critères ainsi que l’organisme indépendant qui les évaluera.
Ambitieux sur le papier, le pilier vert de la relance économique du gouvernement en a déçu plus d’un. Même s’ils reconnaissent un début prometteur, les acteurs de la transition écologique en attendaient plus, notamment sur la durée des investissements et sur les conditions d’aides des grandes entreprises. Les entrepreneurs sociaux tentent à ce titre de pousser une nouvelle initiative visant à rendre les entreprises plus transparentes vis-à-vis de leurs salariés et des consommateurs. L’objectif : que cet Impact Score, s’appuyant sur plusieurs critères transversaux, soit appliqué à chaque entreprise afin de déterminer par exemple le versement ou non des aides de l’Etat.